Station 2 - les rues d'antan

En quelques mots
À Montrevel-en-Bresse, plusieurs noms de rues rappellent le passé de la ville. Les rues du Château, du Chemin de ronde, des Remparts et de la Charrière basse évoquent le tracé de l’ancienne cité fortifiée. La rue des Abattoirs et la rue des Boucheries retracent le parcours de la viande. La rue Ferrachat pourrait désigner les métiers du fer, du forgeron au maréchal-ferrant, ou la forme particulière en fer à cheval de son tracé d’origine. La rue des Cordeliers suggère la présence des religieux de l'ordre de Saint-François. La cour des miracles désigne un lieu de non-droits abritant les reclus de la société mais sa situation, en impasse perpendiculaire à la rue du Château, renvoie à l’espace situé entre les deux corps de bâtiments qui devaient, jadis, former le château. La rue Tortipieds rappelle, quant à elle, la difficulté de marcher sur les galets irréguliers qui pavaient, jadis, le sol de la ville.
Pour aller plus loin
Derrière les noms de rues…
Un odonyme est un nom de lieu qui se réfère à une voie de communication (rue, place, avenue…) ou à un espace urbain (allée, parc, promenade…). En France, les noms de rues datent, pour la plupart, du Moyen Âge et répondent alors à une logique fonctionnelle. L’usage particulier de l’espace détermine le nom que l’on donne au lieu, que cet usage soit religieux ou civil. A partir du 17e siècle, l’idéologie royaliste se reflète dans l’odonymie, devenant ainsi le monopole du pouvoir, avant d’être remplacée par les idéaux révolutionnaires. Le 18e siècle voit apparaître les premières plaques de noms de rues dans les grandes villes, les conseils municipaux nouvellement créés établissent les appellations. Aux 19e et 20e siècles, les noms de rue se font plus éclectiques et touchent des domaines divers comme les grands événements, la politique, le sport, la botanique…
A Montrevel-en-Bresse, les rues du Château, du Chemin de ronde, des Remparts ou de la Charrière basse rappellent le passé de maison-forte de la ville (voir Point 5 : Montrevel, la forteresse oubliée). La rue des Abattoirs et la rue des Boucheries retracent le parcours de la viande depuis l’abattage et le dépeçage des bêtes à la vente sur les étals.
La rue Ferrachat, quant à elle, est plus énigmatique. Le mot Ferrachat, du latin "ferrarius" (forgeron) ou "ferratus"(garni de fer), très ancien, pourrait relever du corporatisme regroupant les différents métiers du fer en un même lieu. En langue d’oc, Ferrachat servirait à désigner les forgerons (ferratier en ancien français). Cette appellation est également à rapprocher de l’activité du maréchal-ferrant, et donc du fer à cheval, proche phonétiquement. Il est à noter que la forme courbe de cette rue, très marquée avant les plans d’alignement de la ville, pourrait se rapprocher également de la forme du fer à cheval. Dans l’Ain, il existe une rue Ferrachat à Chalamont, Treffort et à Saint-Julien-sur Reyssouze.
La rue des Cordeliers, quant à elle, évoque le souvenir des religieux de l’ordre de Saint-François. Les Franciscains portaient sur leur robe de bure une grosse corde armée de nœuds et tombant presque jusqu’aux pieds. Désignés sous l’appellation de « cordeliers », ces frères mineurs recevaient des pensions et des aumônes de la part de la famille de Montrevel comme en atteste les quittances retrouvées aux archives départementales de l’Ain. [ sous réserve de confirmation des AD]
La cour des miracles est une expression qui trouve son origine au Moyen Âge et désigne un lieu de non-droits abritant les reclus de la société. La plupart des grandes villes avait sa cour des miracles peuplée de prostituées, diseuses de bonne aventure, vagabonds et autres gueux et mendiants. A Montrevel, cette impasse, perpendiculaire à la rue du Château n’est pas nommée ainsi sur les plans anciens. Il s’agit sans doute d’une appellation contemporaine. En revanche, le mot « cour » renvoie à l’espace situé entre les deux corps de bâtiments qui devaient, jadis, former le château.
La rue Tortipieds, aussi appelée rue de la vieille église ou rue des Augustins sur les plans anciens, est, avec les rues Ferrachat et Grande rue, l’une des plus anciennes de la ville. Son nom se rapproche de l’italien « Torti piedi », pieds tordus, et rappelle la difficulté de marcher sur les galets irréguliers qui pavaient le sol.
Sources :
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Badariotti, Dominique, « Les noms de rue en géographie. Plaidoyer pour une recherche sur les odonymes / Street names, an argument for a geographic research », Annales de Géographie, t. 111, n° 625, 2002, p. 285-302, https://www.persee.fr
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Série E 182, Archives départementales de l’Ain ( ?)
Iconographie :
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Plan de Montrevel en 1746, C 1060, Archives départementales de l’Ain.